EÑVORENN BANALEG |
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Vu par la Cour d'Assises du département du Finistère séant à Quimper, l'Arrêt rendu le 15 décembre 1859 pour la Cour Impériale de Rennes, Chambre des mises en accusation, lequel ordonne la mise en accusation et le renvoi devant cette Cour d'Assises de :
1°) Millour Claude, âgé de 25 ans, soldat d'artillerie de marine, né à Saint Thurien le 5 février 1834, demeurant à Lorient, célibataire, fils de Bertrand et de Marie Anne Cadiou, taille d'un mètre, sept cent cinquante millimètres, cheveux et sourcils châtains, front haut, yeux bleus, nez petit, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint coloré.
2°) Ollivier Alain, âgé de 30 ans, cultivateur, marchand de bestiaux, né le 23 novembre 1829 à Trévoux, y demeurant, marié, ayant un enfant, fils de Jean et de Marie Anne Le Noc, taille d'un mètre six cent millimètres, cheveux et sourcils bruns, front haut, yeux bleus, nez épaté, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint coloré.
3°) Jambou Jean Marie, âgé de 33 ans, cultivateur, né à Saint Thurien le 3 janvier 1827, demeurant à Bannalec, marié ayant un enfant, fils de René et de Marie Allenot, taille d'un mètre sept cent millimètres, cheveux et sourcils bruns, front haut, yeux bleus, nez épaté, bouche moyenne, menton rond, visage ovale, teint coloré.
4°) Le Scelin Marie Yvonne Françoise veuve de Sébastien Sinquin, âgée de 44 ans, meunière, née à Riec le 3 février 1815, demeurant à Bannalec, ayant 2 enfants dont un naturel, fille de Louis et de Marie Françoise Coulliou, taille d'un mètre, quatre cent vingt millimètres, cheveux et sourcils bruns, front haut, yeux bleus, nez pointu, bouche grande, menton rond, visage ovale, teint coloré.
Accusés : Millour, Ollivier et Jambou d'avoir du 17 au 18 janvier 1854, soustrait frauduleusement de l'argent et des papiers, la nuit dans une maison habitée, en réunion de deux ou plusieurs personnes, dont l'une au moins portait une arme apparente, à l'aide d'effraction extérieure et intérieure dans un édifice, avec violences ayant laissé des traces de blessures ou de contusions et avec menace de faire usage de leurs armes.
et la veuve Sinquin de s'être rendue complice de ce vol,
-
soit en provoquant par dons ou promesses ses auteurs à les commettre,
- soit en leur procurant un moyen qui y aura servi sachant qu'il devait y servir,
- soit en les aidant ou assistant avec connaissance dans les faits qui l'ont préparé, facilité ou consommé,
- soit en recelant en tout ou partie des objets volés, sachant qu'ils étaient volés et avec la connaissance au moment du recel, des circonstances aggravantes qui avaient accompagné le vol et qui étaient de nature à entraîner la peine des travaux forcés à perpétuité.
Vu l'acte d'accusation rédigé le vingt deux décembre 1859 par M. le Procureur Général Impérial près la Cour Impériale de Rennes,
Vu l'ordonnance de prise de corps insérée dans l'arrêt de mise en accusation et de renvoi,
Vu la déclaration du jury sur les questions posées ainsi qu'il suit :
1° question : Claude Millour est-il coupable d'avoir volé de l'argent ou des papiers au préjudice des époux Guigourès ?
2° question : Allain Ollivier est-il coupable d'avoir volé de l'argent ou des papiers au préjudice des époux Guigourès ?
3° question : Jean Marie Jambou est-il coupable d'avoir volé de l'argent ou des papiers au préjudice des époux Guigourès ?
4° question : le vol mentionné aux trois questions qui précédent, a-t-il été commis en réunion de deux ou plusieurs personnes ?
5° question : a-t-il été commis pendant la nuit ?
6° question : a-t-il été commis dans une maison habitée ?
7°question : a-t-il été commis à l'aide d'effraction extérieure dans un édifice ?
8° question : a-t-il été commis à l'aide d'effraction intérieure dans un édifice ?
9° question : a-t-il été commis à l'aide de violences ?
10° question : ces violences ont-elles laissé des traces de blessures ou de contusions ?
11° question : les coupables ou l'un d'eux étaient-ils porteurs d'armes apparentes ?
12° question : ont-ils menacé de faire usage de leurs armes ?
La dite déclaration portant sur les douze questions : "OUI à la majorité"
13° question : Marie Yvonne Françoise Selin veuve Sinquin, est-elle coupable de s'être rendue complice du vol mentionné aux questions qui précédent,
- 1° soit en provoquant à le commettre par des dons ou promesses ?
- 2° soit en procurant un moyen qui a servi à le commettre, sachant qu'il devait y servir ?
- 3° soit en aidant ou assistant avec connaissance les auteurs du vol dans les faits qui l'ont préparé, facilité ou consommé ?
La dite déclaration portant sur la 13° question : "OUI à la majorité"
14° question : est-elle coupable de s'être rendue complice de ce vol en recelant sciemment en totalité ou en partie les objets volés ?
La dite déclaration portant sur la 14° question : "OUI à la majorité"
15° question : lorsqu'elle a recelé ces objets, savait-elle que le vol avait été commis ?
- 1° en réunion de deux ou plusieurs personnes ?
- 2° pendant la nuit ?
- 3° dans une maison habitée ?
- 4° à l'aide d'effraction extérieure dans un édifice ?
- 5° à l'aide d'effraction intérieure dans un édifice ?
- 6° à l'aide de violences ?
- 7° que ces violences avaient laissé des traces de blessures ou de contusions ?
- 8° que les coupables ou l'un d'eux étaient porteurs d'armes apparentes ?
- 9° qu'ils avaient menacé de faire usage de leurs armes ?
La dite déclaration portant sur la 15° question : paragraphes 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 8 : "OUI à la majorité". Paragraphes 7 et 9 : NON
A la majorité il y a des circonstances atténuantes en faveur de Alain Ollivier.
A la majorité il y a des circonstances atténuantes en faveur de Jean Marie Jambou.
Ouï Monsieur Deromes, Procureur Impérial dans son réquisitoire sur l'application de la Loi, tendant à ce qu'il plut à la Cour, Vu ce qu'il résulte de la déclaration du Jury faire application aux accusés des articles 381, 383, 59, 60, 62, 463 du Code pénal et les condamner, sa voir :
- Marie Yvonne Françoise Le Scelin veuve Sinquin et Claude Millour aux travaux forcés à perpétuité.
- Jean Marie Jambou et Alain Ollivier à vingt ans de travaux forcés.
Ouï Maître Gorvan avoué du sieur Jean Guigoures, ancien cultivateur demeurant au Castellou en la commune de Bannalec, partie civile dans ses conclusions tendantes à ce qu'il plut à la Cour, condamner Marie Yvonne Françoise Scelin veuve Sinquin, Claude Millour, Jean Marie Jambou et Alain Ollivier solidairement et par corps à trois mille francs de dommages et intérêts envers le dit sieur Guigoures et aux frais.
Ouï également Monsieur Deromes, Procureur Impérial dans sa déclaration s'en rapporter à la Cour sur la quotité des dommages et intérêts à allouer à la partie civile.
Ouï les accusés et leurs conseils, tant sur les réquisitions de Monsieur le Procureur Impérial sur l'application de la peine que sur les conclusions prises par les parties civiles.
La Cour après en avoir délibéré séance tenante, M. le Président a prononcé l'arrêt suivant :
Considérant que les faits déclarés constants pour le Jury, constituent des crimes prévus et repris par les articles 381, 59, 60, 62 et 63 du Code pénal.
Considérant qu'il résulte aussi de la déclaration du jury qu'il existe des circonstances atténuantes en faveur de Alain Ollivier et Jean Marie Jambou, ce qui les place dans l'un des cas prévus par l'article 463 du Code pénal.
Vu les dits articles 381, 59, 60, 62 et 63, ensemble les articles 463, 19, 52, 55 du Code pénal, 368 du Code d'instruction criminelle, 40 et 7 de la loi du 17 avril 1832 dont il a été donné lecture par M. le Président et qui sont ainsi conçus :
Art. 381
Seront punis des Travaux forcés à perpétuité, les individus coupables de vols commis avec la réunion des cinq circonstances suivantes :
1°) si le vol a été commis la nuit
2°) s'il a été commis par deux ou plusieurs personnes
3°) si les coupables ou l'un d'eux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées
4°) s'ils ont commis le crime, soit à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade ou de fausses clefs, dans une maison, appartement, chambrée ou logement habités ou servant à l'habitation ou leurs dépendances, soit en prenant le titre d'un fonctionnaire public ou d'un officier civil ou militaire ou après s'être revêtus de l'uniforme ou du costume du fonctionnaire ou de l'officier ou en alléguant d'un faux ordre de l'autorité civile ou militaire
5°) s'ils ont commis le crime avec violence ou menace de faire usage de leurs armes.
Art. 59
Les complices d'un crime ou d'un délit seront punis de la même peine que les auteurs mêmes de ce crime ou de ce délit, sauf les cas où la loi en aurait disposé autrement.
Art. 60
Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui par des promesses, menaces, abus d'autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables, auront provoqué à cette action ou donné des instructions pour la commettre ; ceux qui auront procuré des armes, des instruments ou tout autre moyen qui aura servi à l'action sachant qu'ils devaient servir ; ceux qui auront avec connaissance aidé ou assister l'auteur ou les auteurs dans les faits, qui l'auront préparé ou facilité ou dans ceux qui l'auront consommé.
Art. 62
Ceux qui sciemment auront recelé en tout ou partie des choses enlevées, détournées ou obtenues à l'aide d'un crime ou d'un délit seront aussi punis, complices de ce crime ou délit.
Art. 63
Néanmoins la peine de mort , lorsqu'elle sera applicable aux auteurs des crimes, sera remplacée à l'égard des receleurs par celle des travaux forcés à perpétuité. Dans tous les cas, les peines des travaux forcés à perpétuité ou de la déportation lorsqu'il y aura lieu, ne pourront être prononcées contre les receleurs, qu'autant qu'ils seront convaincus d'avoir eu; au temps du recel, connaissance des circonstances aux quelles la loi attache la peine de mort, des travaux forcés à perpétuité et de la déportation, sinon ils ne subiront que la peine des travaux forcés à temps.
Art. 463
Les peines prononcées par la loi contre celui ou ceux des accusés reconnus coupables en faveur de qui le jury aura déclaré les circonstances atténuantes, seront modifiées ainsi qu'il suit :
- si la peine est celle des travaux forcés à perpétuité, la Cour appliquera la peine des travaux forcés à temps ou celle de la réclusion.
Art. 19
La condamnation à la peine des travaux forcés à temps sera prononcée pour cinq ans au moins et vingt ans au plus.
Art. 52
L'exécution des condamnations à l'amende, aux restitutions, aux dommages intérêts et aux frais pourra être poursuivi par la voie de la contrainte par corps.
Art. 55
Tous les individus condamnés pour un même crime ou pour un même délit, seront tenus solidairement des amendes, des restitutions, des dommages intérêts et des frais.
Art. 368 du Code criminel
L'accusé ou la partie civile qui succombera sera condamné aux frais envers l'Etat et envers l'autre partie.
Art. 7 de la loi du 17 avril 1832
Dans tous les cas où la contrainte par corps a lieu en matière civile ordinaire, la durée sera fixée par le jugement de condamnation et sera d'un an au moins et de dix ans au plus.
Art. 40
Dans tous les cas et quand bien même l'insolvabilité du débiteur pourrait être constatée, si la condamnation prononcée soit en faveur d'un particulier, soit en faveur de l'Etat s'élève à trois cent francs, la durée de la contrainte sera déterminée par le jugement de condamnation dans les limites fixées par l'article de la présente loi.
Condamne :
Claude MILLOUR et Marie Yvonne Françoise LE SCELIN veuve SINQUIN à la peine des travaux forcés à perpétuité
Jean Marie JAMBOU à vingt ans de travaux forcés
Alain OLLIVIER à quinze années de la même peine
Les condamne de plus solidairement et par corps à l'égard de Jean Marie Jambou et Alain Ollivier aux frais de la procédure liquidés à la somme de quatre cent quatre vingt trois francs et dix centimes.
Ordonne qu'après avoir subi leur peine, Jean Marie Jambou et Alain Ollivier demeureront pendant toute la vie sous la surveillance de la haute police de l'Etat. Ordonne que le présent arrêt sera imprimé pour extrait, affiché dans tous les lieux désignés par la Loi et exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Impérial. Et statuant sur les conclusions de la partie civile, considérant que son intervention est régulière, la déclare recevable.
Statuant au fond, considérant que le crime dont les accusés sont déclarés coupables, causé à Jean Guigoures un préjudice considérable dont on lui doit réparation. Vu les articles 1382 du Code Napoléon, 366 et 368 du Code d'instruction criminelle dont il a été donné lecture par M. le Président et qui sont ainsi conçus :
Art. 1382 du Code Napoléon
Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Art. 366 du Code d'instruction criminelle
Dans le cas d'absolution connue ou celui d'acquittement ou de condamnation, la Cour statuera sur les dommages intérêts prétendus par la partie civile ou par l'accusé ; elle les liquidera par le même arrêt ou commettra l'un des juges pour entendre les parties, prendre connaissance des pièces et faire du tout son rapport ainsi qu'il est dit en l'article 358.
Art. 368
L'accusé ou la partie civile qui succombera sera condamnée aux frais envers l'Etat et envers l'autre partie.
CONDAMNE : Marie Yvonne Françoise Le Scelin veuve Sinquin, Claude Millour, Alain Ollivier et Jean Marie Jambou à payer à titre de dommages et intérêts à Jean Guigoures une somme de trois mille francs et les condamne en outre, aux frais occasionnés par l'intervention de la partie civile liquidés à la somme de trente six francs 35 centimes. Le tout solidairement et par corps à l'égard de Alain Ollivier et Jean Marie Jambou en exécution des articles 40 et 7 de la Loi du 17 avril 1832 dont il a déjà été donné lecture ci-dessus par M. le Président. Et attendu que les frais et le chiffre des dommages et intérêts alloué à la partie civile excédent trois cent francs, fixe à une année la durée de la contrainte par corps en ce qui touche Alain Ollivier et Jean Marie Jambou.
Ainsi jugé et prononcé en séance publique de la Cour d'Assises du département du Finistère, au palais de justice à Quimper, ce jour 21 janvier mil huit cent soixante, à dix heures du soir, où siégeaient M. Adolphe Androuin, Chevalier de la Légion d'Honneur, Conseiller en la Cour impériale de Rennes, Président de la dite Cour d'assises et M. Lozach, vice Président au tribunal de première instance séant à Quimper, assesseur nommé par ordonnance de M. le premier Président de la cour impériale de Rennes en date du vingt huit octobre mil huit cent cinquante neuf et M. Dorn juge au même siège autre assesseur nommé par ordonnance spéciale de M. le Président des assises en date de ce jour vingt et un janvier pour remplacer M. Claret aussi juge au dit tribunal, assesseur désigné par l'ordonnance sus dite de M. le premier Président de la Cour impériale de Rennes pour siéger pendant la durée de la présente session, ce dernier se trouvant, pour cause de maladie, dans l'impossibilité de continuer le service. Présent de M. Deromes Procureur impérial et Auguste Cloarec commis greffier.